C’est dimanche, voici une petite histoire de Cloche-Maires…
Autour du clocher de l’église du Moutier d’Ahun, les merles moqueurs sont à l’affût. Depuis six mois, un rideau a été installé dans l’abbaye, bouchant la vue sur les boiseries classées.
Drôle de partition sur les planches du Moutier d’Ahun. Un programme classique. Unité de lieu : l’abbaye. Unité de temps : en ce moment. Unité d’action : tout tourne autour des boiseries de l’édifice et d’un rideau.
Depuis six mois, impossible de rentrer dans l’abbaye et de la contempler dans son ensemble. La faute à une tenture installée par la municipalité. Dans quel but, d’ailleurs ? « Ce voile améliore l’accueil touristique, explique Jean-Claude Trunde, maire du Moutier. Il sépare l’église en deux parties : l’une dédiée au culte où les usagers peuvent venir se recueillir (gratuitement, N.D.L.R.) et l’autre aux boiseries (d’accès payant). C’est également esthétique. Le visiteur distingue plus facilement les détails grâce aux jeux d’ombres nés du voile… »
Ce voile blanc fait voir rouge à Jacqueline Chevalier, citoyenne du Moutier, ancienne élue en charge de la culture à Limoges : « Lui (le maire) et son équipe seront, je pense, retenus dans l’histoire de la commune comme ceux qui auront voilé l’église du Moutier ! Cette église, ces boiseries, ce sont celles de mon enfance ! On ne peut pas empêcher les gens d’y accéder ! ».
Jean-Claude Trunde assène le dernier coup : « L’aménagement a été accepté par les bâtiments de France (ABF). Il nous a même dit comment le poser ». Accord aussi, selon le maire, de « la paroisse et du diocèse ».
Du côté de l’ABF de la Creuse, on est moins catégorique : « Cette affaire n’est pas de notre ressort… parce que la loi ne le prévoit pas. Nous ne pouvons rien interdire et avons conseillé le maire pour que les aménagements soient effectués au mieux. Il faut avoir l’accord du prêtre et des servants. J’ai aussi conseillé M. Trunde de prendre contact avec Jean-Marie Gaudron, en charge de la commission diocésaine d’art sacré régional ».
On se tourne alors vers lui pour apprendre qu’il n’a jamais été contacté. Quant à l’équipe de prêtres qui dessert l’église de l’Assomption… elle est jésuitique : « Le maire nous a informés de la pose de ce rideau, mais nous sommes usagers et non propriétaires du lieu. La question sera étudiée ultérieurement ».
Le Moutier et son patrimoine continuent sur la voie de la polémique. C’était déjà l’un des rares sites en Limousin où il fut interdit de prendre des photos ! Désormais, c’est un rideau qui a ouvert un débat assurant au Moutier de ne plus pouvoir laver son linge sale en famille. Même les rideaux…
Maud De Oliveira et Éric Donzé
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