Logement : La loi SRU enfin dénoncée – Pelletant

the-huffington-post-150x84@2x“La loi SRU enfin dénoncée” tel est le titre de ma chronique concernant le logement et publiée sur le site Internet du Huffington Post à l’adresse suivante : http://www.huffingtonpost.fr/francois-pelletant/loi-sru-et-logements-sociaux_b_7085716.html

 

La Cour des Comptes vient de dire tout haut ce que bon nombre pensaient tout bas depuis 15 ans: “la loi SRU fixant les quotas de logements sociaux par commune est une ineptie”.

La Cour n’y va pas par quatre chemins, et dans son rapport publié la semaine dernière elle pointe du doigt:

  • L’échec de la politique de l’habitat qui consacre depuis les années 90, 6 milliards d’euros par an sans amélioration significative;
  • Les seuils relevés par la Loi Duflot à 25 % qui auront pour conséquence un accroissement de 37 % de la production dans les communes qui avaient pourtant atteint leur objectif de 20 %;
  • La règle particulière en Île-de-France qui consiste à imposer les logements sociaux dans les petites communes de 1500 habitants et plus (3500 pour le reste de la France);

Enfin la Chambre constate que l’Île-de-France a été la région la plus active (70% des communes avaient atteint leur objectif) mais cela n’a, dans les faits, relevé que de 6% le parc de logements sociaux.

Ce dernier point illustre bien le délire dans lequel les pouvoir publics se sont fourvoyés depuis 20 ans. Il ne faut pas attendre de la loi SRU qu’elle augmente le nombre de logements sociaux, d’ailleurs cela n’a jamais été son but depuis son vote en 2000. L’objet de la loi SRU est de répartir différemment les HLM. Pendant que certaines communes construisent, ailleurs on démolit des tours entières ou on déconventionne des immeubles passant de ce fait les logements du statut social à privé.

Alors forcément les maires que je représente seraient prêts, pour une fois, à embrasser les pieds des magistrats comptables, pour les avoir enfin entendu dire leurs 4 vérités aux technocrates de l’habitat.

Cela vient opportunément faire écho à l’article du Monde du mois dernier qui, sur la base de fuites non identifiées, a publié des chiffres nationaux du bilan triennal, en pointant du doigt “les villes qui bafouent la loi SRU”. Ma bonne ville de Linas en faisait partie.

Il faut croire que tout le monde n’a pas les mêmes critères car, vu du côté des populations, ces villes mauvaises élèves sont en réalité des héroïnes, et leurs maires sont souvent approuvés et félicités de ne pas être entrés dans la surenchère HLM.

Cette méthode du quota fait donc la démonstration de son inefficacité en matière de production de logements sociaux. Rien de surprenant, si la solution était aussi simple qu’un pourcentage, le pays n’en serait pas là…

Si seulement, on avait écouté les maires plutôt que de les contraindre, nous n’aurions pas perdu notre temps, gaspillé l’argent public pour aboutir à un échec généralisé.

Rabâchons, rabâchons… Pour augmenter l’offre de logements sociaux il faut:

  • Ne pas raisonner en quotas par commune, mais en nombre de HLM à l’hectare, ce qui est bien plus cohérent quand on veut éviter la surdensité.
  • Faire preuve de discernement dans la fixation des objectifs et dans leur évaluation. Le critère unique des 25% dans toutes les communes moyennes est la preuve du manque d’imagination de nos technocrates.
  • Imposer aux sociétés HLM de s’investir dans toutes les opérations qui leur sont proposées, de ne pas choisir que les plus juteuses.
  • Sanctionner les sociétés HLM qui s’entendent entre elles pour réclamer des contributions de surcharges foncières exorbitantes aux communes qui sont sous le coup des obligations SRU.
  • Ne pas fixer des objectifs inatteignables sur 3 ans quand on sait très bien que les cycles de montage en Île- France, par exemple, sont de 5 à 7 ans.
  • Choisir des implantations à proximité d’infrastructures de transports qui fonctionnent. A ce titre le développement de HLM dans Paris intra- muros est cohérent, même si l’on doit prendre en compte que, dans le même temps, le parc existant est déconventionné peu à peu.
  • Mettre en place des baux “CDD” afin que les bénéficiaires ne s’inscrivent pas dans une logique d’attribution de logement à vie, mais intègrent l’obligation de restituer leurs logements au terme d’une période déterminée, 6 ans par exemple.
  • Cesser d’opposer les chiffres du stock des demandes à ceux des constructions neuves car ils ne veulent rien dire. Dans ma commune nous avons environ 500 demandes en instance (avec double compte car chaque demandeur formule 5 “vœux” de communes souhaitées), mais lorsque l’on contacte les personnes pour leur proposer un logement, on constate que finalement peu peuvent y prétendre et beaucoup n’en ont pas besoin. La politique du “toute demande doit être satisfaite” est aussi absurde que si l’on voulait offrir ” un HLM à tous”.
  • Développer la réhabilitation et le conventionnement de logements anciens en logements sociaux. On se demande quel lobby est à l’œuvre pour pousser nos décideurs à ne jurer que par le béton neuf. On comprend bien qu’il y a des intérêts financiers derrière tout ça mais il y a un gisement d’emplois très important dans le secteur de la rénovation. Pourquoi veut-on fermer cette piste et anéantir toute initiative? Il est incompréhensible de voir comment fonctionnent les services de l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat. Pour les joindre au téléphone dans mon département c’est impossible. La permanence téléphonique n’est plus assurée, le disque des horaires tourne dans le vide et le répondeur est saturé en permanence. Vous me direz que c’est dans la droite ligne du désengagement financier (réduction des taux et des assiettes de subventions) de l’ANAH, et ses exigences accrues en matière de consistance des travaux et de niveau de loyer modéré. Il n’en fallait pas tant pour doucher les petits investisseurs.

Tout aussi incroyable est de constater comment nos institutions s’emploient à détruire les initiatives dans ce domaine. J’ai connu les pires ennuis à promouvoir la réhabilitation de logements par des associations. C’est à coup de contrôles de l’Inspection du Travail, d’instructions judiciaires que les puissants ont réussi à décourager le bénévolat.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les modes de calcul des engagements triennaux des communes, la non prise en compte des dépassements d’objectifs tant dans le temps que sur le plan géographique, etc.

Mais au stade où nous en sommes, il y aurait surtout à écouter. En continuant cette politique qui n’a fait que la démonstration de son inefficacité, l’Etat va finir par démobiliser tout le monde et en premier lieu les maires.

C’est ce que Monsieur le Premier ministre a touché du doigt mardi à Vincennes pour une inauguration d’un salon destiné aux élus qui s’annonçait très mondaine. Finalement il a été accueilli par une manifestation de maires, excusez du peu, le collectif “J’aime ma ville, maires en colère!” qui sont opposés à la politique menée en Île-de-France, à la réforme territoriale et au projet de Grand Paris. La grogne était larvée jusqu’à présent mais avec la caution de la Cour des comptes qui vient de s’exprimer, les langues se délient.


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