Garantie jeunes, c’est mort !

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“Garantie jeunes, c’est mort !” est le titre de ma nouvelle chronique publiée sur le site d’information du Huffington Post – découvrez l’intégralité de l’article à la page http://www.huffingtonpost.fr/francois-pelletant/garantie-jeunes-cest-mort_b_9659418.html

L’État, qui décidément n’apprend pas des erreurs du passé, repart à l’aventure sur le terrain de l’insertion des jeunes qui prend de plus en plus l’allure des champs de bataille de Verdun. Le jeudi 10 mars 2016, le Premier Ministre a annoncé la généralisation à tous les département de la Garantie Jeunes, jugée sur le papier très prometteuse.

L’Association des Maires Franciliens que je préside, en accord avec le Conseil d’Administration, a déjà dénoncé le dysfonctionnement du dispositif Emploi d’Avenir et le grand risque juridique et financier qu’il fait peser sur les employeurs non-marchands que sont les communes et les associations, alors que les défaillances opérationnelles relèvent bien souvent des services de l’Etat ou de ses délégataires: les Missions Locales.

La Garantie Jeunes, nouvelle marotte du gouvernement, n’a plus pour but d’inciter l’emploi des jeunes dans les secteurs publics ou associatifs -n’y aurait-il plus rien à attendre de ces chats échaudés?- mais plutôt dans le secteur privé.

 Les jeunes et l’emploi

Ce nouveau dispositif n’est pas si nouveau que ça. Il a déjà été mis en place depuis plus de deux ans dans de nombreux départements pilotes tels que La Réunion, le Vaucluse, le Lot-et-Garonne ou encore l’Allier fin 2013 entre autres, et l’Essonne, le Pas-de-Calais, la Seine-Maritime ou encore la Dordogne pour la phase 2014. Mais en politique, c’est comme en marketing, il suffit d’écrire “nouveau” sur l’emballage ou “vu à la télé” pour que le Tout-Paris s’extasie, y compris les associations d’étudiants, auxquelles la « Garantie Jeunes » ne s’adresse d’ailleurs pas.

Au regard des retours d’expériences que notre association à recueillis dans certains de ces secteurs pilotes, nul doute que l’on va rapidement déchanter. Bien sûr les élus locaux que nous sommes ne vont pas jouer les oiseaux de mauvais augure mais nous doutons qu’une stratégie changeante au rythme des saisons soit la meilleure façon de mobiliser l’emploi des jeunes sans qualification. Il serait bien plus constructif de ne pas décourager les associations et les communes qui jouent le jeu. A moins que l’objectif ne soit pas celui que l’on croit, ce qui n’étonnerait personne car beaucoup pensent que les pouvoirs publics cherchent surtout à planquer les jeunes chômeurs dans les placards.

L’expérience nous amène à ne plus être naïfs, voici en 7 points pourquoi la Garantie Jeunes “c’est mort” d’avance pour lutter contre le chômage des jeunes:

Un “RSA Jeune” qui ne dit pas son nom

Chaque jeune entrant dans ce dispositif touchera automatiquement pendant 12 mois une aide financière de 524€ mensuelle. Appelons les choses par leur nom, il s’agit d’un RSA jeune attribué en dessous des 25 ans réglementaires.

Un dispositif qui relève du Guichet d’assistance

D’expérience, l’aide est octroyée sans sérieuse condition d’implication du jeune. La contrepartie consiste en un pointage quotidien du bénéficiaire dans sa Mission Locale où les conseillers peuvent lui réapprendre des postures à adopter en fonction des situations de la vie; des ateliers CV notamment et quelques mises en situation professionnelle. Ainsi on peut dire que le RSA jeune sera même un RMI jeune. Malheureusement ceci  ne constitue en rien un investissement dans l’emploi des jeunes à long terme.

Les entreprises prises pour des nouveaux gogos

Seul l’Etat croit que la garantie jeune “renforce les liens entre les services de l’Etat, ses satellites et les entreprises”. Les premières expériences nous montrent bien que les entreprises ne sont pas attirées par les jeunes venant de ces dispositifs ce qui se comprend tout à fait car elles craignent de trouver des jeunes peu motivés.

Lorsque l’Etat et les Missions Locales faisaient du porte-à-porte pour placer des jeunes dans les collectivités ou les associations elles pouvaient espérer profiter d’une forte implication de ces institutions dans la cause nationale. Mais les entreprises ont bien d’autres soucis et elles ne sont pas, en ce moment, dans l’état d’esprit de faire du social et pallier les défaillances des pouvoirs publics en matière de formation et d’insertion des jeunes. Elle ne prendront pas le risque d’avoir à subir les aléas de ce type de recrutement et les difficultés administratives qui peuvent en découler, et on peut le comprendre.

Ce sera un flop jeune de plus

Avec la plus grande stupéfaction, on peut lire dans une certaine presse que la Garantie Jeunes est un dispositif qui fonctionne, avec un bilan d’expérimentation très positif. Ceci n’est que la reprise en écho de la communication gouvernementale.

Quels sont les critères? Pour avoir une sortie du dispositif jugée “positive” par les pouvoirs publics, il faut que le jeune ait décroché soit un CDI, soit un CDD de 6 mois ou plus, soit être inscrit dans une formation. Comme dit auparavant, nous ne sommes plus naïfs.Etre inscrit dans une formation n’est pas une fin en soi, de même qu’un CDD de 6 mois reste un contrat des plus précaires. Et le pire dans tout ça, c’est que malgré ces critères, les services de l’Etat reconnaissent ne pas atteindre les 50 % de réussite, ce qu’il jugent pourtant satisfaisants !

Sur cette base, les services de l’Etat enfoncent le clou et argumentent que la “garantie jeunes obtient de meilleurs résultats que les dispositifs d’insertion précédents “. Au moins si on ne sait pas encore ce que vaut la Garantie Jeunes, on sait ce qu’il faut penser des multiples solutions miracles qui l’ont précédé, en se rappelant les boniments d’Etat qui ont accompagné, comme aujourd’hui, la mise en place des Emploi d’Avenir, CUI-CAE et autres.

Une voie de garage sans issue pour les jeunes

Pour inciter les Missions Locales à précipiter les jeunes dans le dispositif, l’Etat a mis en place des mesures incitatives qui veulent tout dire. Par dossier “Garantie Jeunes” signé, les Missions Locales, délégataires de l’Etat, toucheront 1 120 euros (70 %). Si le jeune sort du dispositif avec un bilan positif (CDI, CDD 6 mois, formation) elles toucheront 480 euros de plus (30 %).

On voit bien que la priorité reste de stocker des jeunes dans cette nouvelle voie de garage plutôt que de tout faire pour les en sortir. Et ça marche, les Missions Locales, qui par ailleurs sont étranglées et recherchent le moindre centime pour survivre, se jettent, toute affaire cessante, sur la signature des Garanties Jeunes pour toucher les 70% cash.

De l’argent jeté par les fenêtres

En somme il s’agit d’un dispositif de plus, très cher quand on cumule ce que l’Etat donne à ces jeunes et aux Missions Locales. En effet cet contribution n’apportera rien si ce n’est se gargariser que 40% de jeunes ait trouvé un CDD de 6 mois, peut-être un CDI rompu pendant la période d’essai ou autrement.

Et après, on fera quoi? Un nouveau dispositif est sûrement en cogitation dans les cerveaux parisiens?

Une nouvelle manipulation politique

En tant qu’élu local habitué des stratégies à la petite semaine des puissants, mon petit doigt me dit que ceci n’a pas d’autre but que de faire disparaître des statistiques du chômage les 650.000 jeunes en déserrance, le plus vite possible pour que le paysage soit nettoyé de cette promesse non tenue, dans un an pour le scrutin présidentiel. Cette solution finale atteindra sûrement ce but mais pas celui de tirer la tête hors de l’eau de ces jeunes sans emploi dont notre pays ne sait que faire.

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