De l’exclusion à la conquête de la citoyenneté politique des femmes – Pelletant

the-huffington-post-150x84@2xConcernant la citoyenneté politique des femmes, je viens de publier avec Alain Marchand une chronique sur le site Internet du Huffington Post intitulée “De l’exclusion à la conquête de la citoyenneté politique des femmes” à l’adresse suivante : http://www.huffingtonpost.fr/francois-pelletant/femmes-politiques-dans-lhistoire_b_7023482.html

 

Elles sont rares sinon discrètes dans l’histoire et la mémoire nationales. Qui connaît le nom des premières femmes au Gouvernement, ou de la première femme ministre de la Vème République? Une exception: Simone Veil, ministre de la Santé dont le nom est associé à une loi marquante pour les droits des femmes et qui fut la première Présidente du Parlement européen. Elle bénéficie toujours d’une popularité inaltérable.

La féminisation des gouvernements est un phénomène extrêmement récent. C’est dans ce contexte qu’il faut prendre la mesure de l’événement que représente la désignation de Ségolène Royal et d’Eva Joly comme candidates à une élection présidentielle.

Un peu d’Histoire

Pour mémoire, la révision constitutionnelle de 1999 a introduit, à l’article 3 de la Constitution, le fait que “la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives”.

En conséquence, la loi du 6 juin 2000 a fait obligation aux partis politiques de présenter 50 % de candidats de chacun des deux sexes pour les élections à scrutins de liste. Depuis juillet 2008, cette réforme paritaire figure à l’article 1er de la Constitution.

Avant cela, il y eu le temps du hors-jeu politique des femmes, de 1958 à 1995. La Cinquième République prend “un caractère unisexe” avec la thématique de l’homme fort et de nouvelles règles électorales qui entraînent la quasi disparition des femmes à l’Assemblée nationale.

Du coup, l’écart va croissant, dans les années 1960-1970. Il a fallu attendre “le dégel giscardien”, dans un septennat marqué par l’onde de choc féministe et par une volonté politique de rajeunir et de féminiser la vie politique.

Mais le décalage reste grand entre le niveau de participation des femmes au gouvernement (telle Simone Veil) et leur présence marginale au Parlement. À la fin des années 1970, la seule assemblée politique accessible aux femmes est le Parlement européen, institution neuve où le mode d’élection, proportionnel, favorise leur arrivée.

Les années Mitterrand ouvrent une brèche. Le président socialiste poursuit la féminisation de la sphère gouvernementale et de la haute fonction publique. La création, en 1981, d’un ministère des Droits de la femme et la nomination, en 1991, d’une femme au poste de Premier ministre, Edith Cresson, sont des gestes forts. Mais la situation n’évolue guère du côté des assemblées élues qui, à tous échelons, demeurent très masculines à l’exception des conseils régionaux, structures nouvelles plus accueillantes aux femmes.

La sociologue Mariette Sineau voit dans cet universel “neutre” un “cache-sexe” servant à dissimuler “le monopole masculin sur la res publica“.

La critique est sévère tant à l’égard des partis politiques qu’à l’égard des féministes. Les partis, pour avoir “verrouillé” l’entrée des femmes en politique, les féministes, épinglées pour leur “isolationnisme” à l’égard des institutions et des organisations traditionnelles. Une posture qui a largement contribué à renforcer un modèle de fratrie masculine ne laissant aux Femmes que les places qu’on ne pouvait leur refuser.

Autre point à noter: l’entrée en politique des femmes par la voie de la “compétence” plutôt que par celles de l’élection et du militantisme. D’où un modèle élitiste, sinon “aristocratique” de la femme d’État. Autre posture en décalage total avec le discours sur la démocratisation de la vie politique liée à l’arrivée des femmes.

S’est ensuite posée la question d’un “nouveau partage du pouvoir entre les sexes”. Thème d’actualité de 1995 à 2000 quand le projet paritaire prend forme et aboutit au vote de la loi de 2000.

En 1995, le Président élu, Jacques Chirac, conscient de l’enjeu stratégique, met en place un Observatoire de la parité mais la féminisation précipitée du premier gouvernement Juppé -huit des douze “Jupettes” du gouvernement, dont l’efficacité fut contestée, sont rapidement congédiées- révèle un décalage entre les intentions et les actes.

Avec le retour des socialistes au pouvoir en juin 1997, le gouvernement Jospin constitue une étape décisive. “La République, dit-on, s’ouvre aux femmes”. Elles accèdent à des ministères régaliens, à l’Assemblée nationale le seuil symbolique de 10% de femmes élues est franchi.

La féminisation se lit aussi dans l’évolution du langage: “la députée” et “la ministre” entrent dans le vocabulaire, non sans susciter quelque résistance du côté de l’Académie française et, aujourd’hui encore, du côté de certains parlementaires. En tous cas, l’objectif de la parité entre les femmes et les hommes, entraîne une révision de la Constitution.

Quinze ans après le vote de la loi de 2000, le bouleversement annoncé est-il devenu réalité?

Les années 2000 ont vu la montée en puissance des femmes dans les gouvernements.

Dans cette période, on retrouve le fait du prince, avec cette tendance à nommer des néophytes en politique, issues de l’immigration par exemple, et dont la légitimité est fragile. Leur dépendance reste grande à l’égard du Président. Du côté de l’Assemblée nationale, on ne peut parler de parité avec 12,3% de députées en 2002, 18,5% en 2007.

Un résultat lié à l’absence d’obligation paritaire dans un scrutin uninominal laissant au choix des partis la possibilité de respecter cette règle de parité ou… de payer pour ne l’avoir pas fait.

Paradoxe intéressant, le Sénat, assemblée réputée conservatrice, connait une féminisation plus marquée avec 21,9% de Sénatrices en 2008, grâce à l’introduction de la proportionnelle de liste dans les départements élisant trois sénateurs et plus.

Si les conseils régionaux et conseils municipaux peuvent être regardés comme des “vitrines de la parité”, à l’inverse, les conseils généraux sont demeurés, jusqu’à ces dernières élections (Territoriales) des bastions masculins.

Les élections territoriales ont été réglées, cette fois, par une incontournable obligation de constituer des binômes de candidats hommes-femmes.

Qu’en est-il résulté à la faveur du “troisième tour” de cette consultation? Evidemment, de façon mécanique et sous l’effet de la contrainte -certaines femmes déplorent que ce ne soit que par cet effet-, le nombre de femmes élues dans cette assemblée départementale, est en hausse. Cependant, sur 50% de femmes élues, seulement huit (dont trois dans les DOM) ont été élues à la tête des départements! Nous sommes donc toujours plus dans le symbole que dans la réalité.

Et ailleurs dans le Monde?

Les femmes représentent 17,7% des ministres dans le monde, 22% des parlementaires. L’Union interparlementaire et “ONU Femmes” dressent donc un bilan mitigé des progrès pour les femmes en politique.

Pourtant, sur tous les continents, les Femmes luttent pour une plus grande représentativité. Souvent avec succès, toujours avec difficulté. Parfois au prix de leur vie.

Il serait injuste à l’égard des Femmes de ne pas évoquer ici la place qu’à force de volonté, elles ont prise dans l’Histoire.

En remontant très loin dans le temps, il en est une, oubliée de tous sinon de quelques érudits et qui pourtant mérite attention: Hatchepsout (1500 avant J.C.) qui fut la première, de mémoire d’homme, à occuper de très hautes fonctions dans l’Egypte ancienne. Elle fut, de ce fait, exposée à toutes les difficultés d’être une “Femme en Politique” puisqu’elle fut reconnue comme “Roi-pharaon”. Sa féminité fut donc niée.

Dans l’Histoire de la seule France, nombre de Femmes ont droit de cité dans le Panthéon de la Démocratie. Comment ne pas évoquer par exemple: Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne, Jeanne Deroin, candidate aux élections législatives en 1849, moquée par la presse, Louise Michel, qu’on ne présente plus, Maria Deraisme qui fit entrer les Femmes dans le monde très masculin de la Franc Maçonnerie, Irène Joliot-Curie, Lucie Aubrac… Enfin Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz qui, toutes deux, entreront bientôt dans ce monument consacré à la mémoire non plus seulement des hommes mais, à part égale, des Femmes illustres.

Que toutes celles qui, injustement, ne sont pas citées ici, pardonnent le rédacteur de ces lignes. Toutes celles inconnues qui, humblement et sans publicité aucune, ont héroïquement contribué à ce qu’enfin, les Femmes puissent voter pour la première fois, tout comme les hommes, en 1945.

A cette liste, n’omettons pas d’ajouter Louise Weiss qui, par facétie, distribua aux Sénateurs des chaussettes portant cette rassurante inscription “Même si vous nous donnez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées”.

Avec la participation d’Alain Marchand

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